RECHANTER

Spectacle-performance

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          Extrait de Rechanter (travail en cours) - Sortie de résidence à La Factorie / Maison de poésie de Normandie

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UN PROJET SUR LE LANGAGE ALTÉRÉ ET LE CHANT

Photo Rechanter NRichard

À L'ORIGINE DE RECHANTER

    Affecté par un bégaiement occasionnel qui perturbe mon élocution, ce rapport troublé et imparfait à la parole agit sur ma relation au monde et aux autres, et a sans cesse nourri souterrainement mon travail de poète sonore. Ce rapport perturbé à la parole m’a fait inlassablement tenter de répéter ce bégaiement dans ma pratique d’écriture et de lecture orale pour le transcender, le sublimer.

    Depuis mes premiers textes et lectures publiques, ce rapport particulier au langage, à une parole qui s’enraye, fonde ma pratique de poète performeur. Élocutations, un court texte-manifeste issu du recueil Peloton (éd. Supernova, 2019), traite par exemple de mon rapport à la parole et à l’élocution. Plus récemment, en réponse à la question de la revue Cockpit (dirigée par Christophe Fiat et Charlotte Rolland) « Qu’est-ce que la poésie pour vous ? », j’écrivais : « Faire l’expérience d’une langue dans la bouche et d’une langue dans le texte, explorer ce qui passe de l’une à l’autre, élaborer des partitions pour circuler entre le son et la page ; et sans doute plus secrètement prendre ma revanche sur ces moments où ma parole est instable, bute, où le disque saute, transfigurer dans l’écriture et la lecture orale mon élocution bégayante, ma voix parlée mal établie, afin d’en retrouver l’énergie enrayée. »

    Que faire de ce langage altéré ? Suis-je un « infans » (« enfant » en latin, désigne celui qui n’a pas la parole, celui qui ne compte pas) ou un robot qui bugue ? Que reste-t-il du langage et de l’humain quand celui-ci est empêché de parler ? Aujourd’hui, je sens qu’il est temps de m’emparer plus frontalement et amplement de ces questions pour en faire la matière d’un texte et d’une forme scénique à part entière, intitulée Rechanter.

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UNE MATIÈRE DOCUMENTAIRE ET SCIENTIFIQUE

Rechanter se propose de réfléchir à la dimension anthropologique de la parole et de la croiser avec mon histoire intime.

    Parler est le propre de l’humain, ce qui lui permet d’élaborer et de raconter des histoires, d’argumenter, de transmettre sa pensée, ce qui le différencie de l’animal ou d’une IA. Mais qu’en est-il du chant ? À quelle communauté appartenons-nous quand nous chantons ?

    À l’origine du langage chez les êtres humains, l’une des hypothèses scientifiques récentes, est qu’avant le chant et le langage, il y aurait eu le « musilangage », autrement dit un mode d’expression un peu brute agglomérant l’expressivité du chant (intonation, rythme, mélodie) et la qualité référentielle du langage (donner des informations sur le contexte, autrement dit raconter, décrire, expliquer). On pense également que chez les êtres humains, le chant fut forgé en imitant les cris et les chants des autres espèces environnantes. Le chant étant alors l’une des premières manifestations du langage humain. Mais comment faire partie du monde et de la société si l’on est empêché de parler, si l’on n’a pas accès à la parole ? De quelle communauté est-on exclu si l’on ne chante pas « juste » ? Comment ne pas finir bâillonné et ligoté en haut d’une branche tel Assurancetourix le barde gaulois dans les albums d’Uderzo et Goscinny ? Comment vivre quand on n’a pas sa place dans le banquet final ?

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EXPÉRIMENTATION D'UNE COMÉDIE MUSICALE AMATEURE, ENTRE RECONSTITUTION ET AUTODÉRISION

Une matière autobiographique et musicale

Au cœur de Rechanter, il y a une cassette audio sur laquelle est enregistrée la bande son d’une comédie musicale à laquelle j’ai participé en classe de CM1. Sur cet enregistrement de chœurs d’enfants, on ne m’entend pas chanter puisque lors des répétitions en classe, et de la représentation de fin d’année devant les parents, la maîtresse m’avait demandé de ne pas le faire. Je devais faire semblant, remuer les lèvres sans émettre de son. Sur cette cassette retrouvée, on m’entend donc ne pas chanter. On y entend ma voix silencieuse, fantôme. Presque 40 ans après ce souvenir, je désire m’emparer de cette comédie musicale amateure — qui se trouve être aussi ma première apparition scénique — pour prendre ma revanche sur ce moment où je ne chante pas sur scène, afin de retrouver en quelque sorte ma propre voix. C’est à partir des sons issus de cette cassette et de cette voix fantôme que je souhaite travailler, mettre en forme un rapport empêché au langage.

Pistes de travail

Une commande de La Pop en 2022 pour le festival (Re)mix #3 sur le thème des sons de l’enfance et d’une musique du compositeur György Ligeti (qui a donné lieu à une performance menée avec Bianca Iannuzzi, chanteuse soprano) m’a permis d’ébaucher quelques pistes de travail que je souhaite approfondir et développer avec ce nouveau projet.

Pistes textuelles et sonores

Expérimenter cette comédie musicale impliquera nécessairement une part de distance et d’autodérision, l’humour ne sera en effet pas loin quand l’adulte rechantera les chansons aux airs et paroles enfantines avec l’énergie vocale du poète sonore, ou qu’il tentera de revêtir le déguisement qu’il portait sur scène à l’époque. Il évoquera ses sensations scéniques de chanteur muet au milieu d’un chœur d’enfants, commentera l’histoire naïve et ridicule écrite par la maîtresse, réécrira le texte de certaines chansons. Il pourra aussi manipuler et transformer en direct les sons de la cassette.

Retraverser ce souvenir, le déplier avec minutie, mais aussi le distordre, le déformer jusqu’à l’absurde, peut-être même jusqu’au malaise, le faire « bégayer », le profaner par la voix et les sons, telle est l’ambition de cette forme prenant appui sur un matériau autobiographique qu’il s’agira de trahir et de transfigurer pour lui trouver une forme scénique adéquate.

Piste scénographique

La scénographie très légère de ce spectacle-performance sera principalement composé par des éléments de diffusion sonore. Un ou plusieurs lecteurs audios à cassettes installés dans l’espace de jeu, un looper pour trafiquer et manipuler les sons de la comédie musicale en direct, un ou des micros pour amplifier les sources sonores analogiques, et un micro sur pied pour réinterpréter et rejouer la comédie musicale.

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GÉNÉRIQUE

Conception, écriture, et jeu : Nicolas Richard
Regard extérieur : Alexandre Koutchevsky
Production : Lumière d'août
Recherche de soutiens et de coproductions en cours.
Durée envisagée : 50 min.

CALENDRIER

Création envisagée en 2025-26.
 

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(Photo d'un travail en cours sur Rechanter à Au bout du Plongoir,
dans le cadre de l'Orée du temps / 20 ans de Lumière d'août.)