des Sorties d’août à Ciel dans la ville : des textes et des espaces
Détail des Sorties d'août de 2005 à 2007 [accessible ici].
FONDATIONS
Lumière d’août s’est fondée dans un jardin en Franche-comté, loin de Rennes. Parce que l’occasion d’y résider s’était présentée, bien entendu, mais peut-être aussi et d’abord comme le signe fondateur d’un collectif qui vise à sortir, d’abord sortir, sans avoir jamais eu de lieu à soi. Et quand il a fallu trouver un nom générique pour toutes ces lectures et performances qui s’annonçaient en 2005, nous avons inventé les Sorties d’août.
Comme la plus grande partie de ce qui nous arrive, les Sorties d’août se sont d’abord imaginées dans la confrontation à un double contexte : économique (celui d’une compagnie naissante), et spatial (la ville de Rennes comme territoire). Face à cela, des textes encore jeunes, jamais lus en publics, des essais, des récits, des pièces de théâtre, aussi. Nous avons mis sur pied un programme de lecture/performances/mise en espace sur un rythme régulier : une proposition par mois durant les douze mois de l’année 2005 à Rennes, et à chaque fois dans un lieu différent, avec un ou plusieurs lecteurs, rémunérés. Durant l’automne 2004 les contacts ont donc été pris avec différents lieux qui allaient nous accueillir (librairie, théâtre, galerie d’art, péniche spectacle…) et avec les partenaires financiers (Ville de rennes, Printemps des poètes, compagnies aînées). Les choses se sont mises en places.
Il y eut cependant une première apparition de Lumière d’août en 2004, alors que les statuts de l’association étaient à peine bouclés. Eléonore Weber reprenait dans le cadre du festival Mettre en scène son travail sur Je m’appelle Vanessa, de Laurent Quinton, et une rencontre fut organisée en partenariat avec le TNB autour de cet auteur.
Et le 20 janvier 2005 avait lieu la première Sortie d’août.
Nous ne reviendrons pas ici en détail sur ces douze évènements de l’année 2005. Certaines lectures préparaient des spectacles à venir (Façades, Artemisia Vulgaris), d’autres étaient l’occasion de découvrir de courts textes, dans des cadres variés. Vous pouvez retrouver quelques images de ces Sorties d’août dans cette vidéo.
Mais ce qui se préparait, et qui allait connaître une évolution rapide dès l’été 2005, avec la Sortie d’août au parc des Gayeulles, et avec la première Sortie d’août sur l’étang de Trégu en août 2005, c’est le rapport des auteurs et metteurs en scène du collectif aux espaces de leur environnement. Dès 2005, nous découvrions le plaisir des lectures en plein air, le jeu des correspondances entre un texte et un espace. Le partenariat avec Étangs d’art (collectif d’artistes du pays de Brocéliande, qui organise chaque été l’installation d’œuvres réalisées in situ sur des étangs ou plans d’eau) se révéla particulièrement intéressant de ce point de vue, nous permettant d’expérimenter le rapport texte/paysage trois années de suite sur le site de l’étang de Trégu.
ENCRAGE / PAYSAGE
Nous savions, intuitivement, qu’un texte peut se déployer avec d’autant plus d’ouverture qu’il est mis en rapport avec un contexte d’énonciation, contexte dont on prend la mesure et avec lequel on se met en jeu. Ce fut par exemple le cas lors de lectures à la Chapelle des Rosais (ici pour les Journées du Patrimoine)
Etienne Briand et Alexis Fichet (dans l’arbre) (DR)
Ou encore au domaine de Tizé
Alexandre Koutchevsky et Marine Bachelot (DR)
Ou une version bouchère de Façades, à Châteaugiron, performée par l’auteur Nicolas Richard
Nicolas Richard (DR)
Ou encore à La Chapelle Bouëxic…
Juliette Pourquery de Boisserin, Laurent Quinton et Flora Diguet (DR)
Ce qui se révélait au travers de ces diverses expériences, c’est qu’il y a quelque chose de profondément opérant dans le fait de sortir les textes, de les proposer dans des situations et des espaces complexes. C’était d’abord, bien entendu, un moyen pour faire partager ce plaisir du texte avec le plus grand nombre : le public potentiel (la population en général) hésitant à rentrer dans les théâtres ou les lieux de poésie, nous allons à sa rencontre. Le théâtre ou la performance ne sont plus alors ces moments qui arrêtent la vie, qui demandent de la concentration, ou encore un retrait du monde : ils deviennent des moments de la vie, ils sont la vie même. Nous avons parfois besoin de lieux équipés, de salles noires, de silence, mais il existe d’autres alternatives pour nos textes.
ÉTÉ 2007 : DE L'INSTALLATION AU TEXTE-PAYSAGE
L’été 2007 fut marqué par trois évènements : Lumière d’août au festival d’Avignon, les Courtes Pièces Politiques au festival de Hédé, et Ciel dans la ville à Saint-Jacques de la Lande. Soit trois déclinaisons d’un rapport des espaces au texte, puis des textes aux espaces.
Pour le festival d’Avignon, Lumière d’août disposait du Jardin de la rue Mons, beau jardin provençal installé en terrasse en plein cœur de la ville, et où refroidissaient à peine les cendres de la scénographie de Dieudonné Niangouna, qui y présentait son spectacle. Il fut décidé de lire un texte de chaque auteur du collectif, trois dans la séance du matin et trois l’après-midi. La nouveauté étant que chaque auteur dirigeait la lecture de son texte. Les différents espaces du jardin furent utilisés : les cendres, la fontaine, les grilles… Avant le dernier texte de la journée (Vos ailes les mouettes d’Alexis Fichet), l’auteur distribuait même quelques mues de cigales aux spectateurs. Là encore, il s’agissait de faire résonner un texte dans les meilleurs conditions, de le nourrir d’un espace ou d’une sensation.
Les fraises d’Artemisia Vulgaris – jardin de la rue Mons (DR)
Jonathan Drillet et Bérengère Lebâcle (DR)
Mues de cigales du Jardin de la rue Mons (DR)
Pour le festival de Hédé, l’enjeu était un peu différent puisqu’il s’agissait d’adapter au terrain de tennis communal (revêtement de graviers et goudron) un spectacle qui ne s’était joué jusque là que dans des salles de théâtre fermées : les Courtes Pièces Politiques. Si les metteurs en scène, Marine Bachelot et Alexis Fichet, avaient accepté ce pari, c’est qu’il leur semblait possible que ces pièces, mises en scène dans un rapport de proximité et de simplicité au spectateur, puissent trouver leur justesse dans un espace extérieur, et même y révéler ou y affirmer leur penchant pour le happening. Quatre pièces étaient donc jouées de jour, et trois de nuit, l’une d’entre elles se jouant même à l’exact moment de la tombée du jour. Ce rapport au temps, à la météo et à l’espace a été un nouveau départ pour ces Courtes Pièces Politiques : le travail et les représentations ont été un vrai bonheur, et un encouragement pour ce genre d’expérience, fragile, mais sensible et ouverte.
Bérengère Lebâcle, Stéphane Piveteau et Claire Péron – Hédé (DR)
Le spectacle Ciel dans la ville a marqué une étape de plus dans ce rapport du texte au paysage. Alexandre Koutchevsky a repris et développé le travail commencé avec Blockhaus version courte (2006), et déjà créé à l’Aire libre un an plus tôt. Blockhaus contenait déjà en germe une des spécificités du spectacle Ciel dans la ville : un texte écrit pour un lieu précis, le blockhaus situé derrière le théâtre de l’Aire libre et au bord des pistes de l’aéroport. C’est ce qu’Alexandre Koutchevsky appelle le théâtre-paysage. Mais pour Ciel dans la ville, le concept s’est développé puisque d’autres auteurs ont répondu pour ce contexte précis. On pense notamment au texte de Marine Bachelot, Parc des expulsions, écrit pour un territoire qui passe par le terrain de golf, l’aéroport et le centre de rétention, ou encore à Me voici coordonnées, texte écrit par Alexandre Koutchevsky pour la zone d’atterrissage de l’aéroport, et qui évolue en fonction des avions qui passent pendant le spectacle.